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Livre L'Irrésistible ascension de l'insolente Marion

L'IRRÉSISTIBLE ASCENSION DE L'INSOLENTE MARION

EMMA DEBROISE

Au XVIIIè S. en Bretagne, à une époque de misère, de famine et d’épidémies, les hommes sont loi et les femmes leur objet de procréation. Une jeune femme décide de prendre sa vie en main. Avec sa bande elle n’ira plus tendre la main aux riches mais les détroussera pour ne faire aucune concession à la misère ni à l’oppression.
C'est son histoire, celle de Marion du Faouët, qu'une petite troupe de comédien.ne.s, contemporaine à la brigande s'apprête à raconter et à jouer avec la collaboration du public. On y croise tour à tour gens du peuple, curés sans foi, geôlier corrompus, directeur infâme, procureur lubrique, nobles et bourgeois. Et l’on suit Marion et sa bande vivre de peines, d’amour, d’exploits et de pertes. Volant sans vergogne le bourgeois, détestée par la noblesse et aimée par le petit peuple, elle défie toujours plus l’autorité.

Une comédie héroïque captivante, épique et romantique en un prologue, douze tableaux, deux épilogues et beaucoup de personnages, écrite presqu’entièrement en alexandrins et qui interroge notre capacité à désobéir. Une lecture qui souligne la puissance de l’individualité et du courage. 


Emma Debroise est autrice, comédienne et improvisatrice. Elle se passionne pour la poésie. Elle écrit pour le collectif féministe Les Impromises une comédie grinçante On n’est pas à l’abri de réussir. Sensible à la cause féministe, elle écrit et crée aussi pour le cinéma. L’histoire et les récits engagés sont ce qui guide son travail.

EXTRAIT

  [...]

MAHĖ. – 
Le faquin refusait de me payer mes gages.
Je n’ai fait que combler cet injuste dommage.
J’ai repris ce qu’il me devait, ni plus ni moins.
Mais selon les juges, je suis un assassin !
Et si je ne m’étais évadé du cachot,
Je serais aujourd’hui mort pour huit écheveaux.
Condamné, te rends-tu compte, à la pendaison
Pour avoir dérobé du fil à son patron !?

AWEN. – 
Tu m’as déjà conté cette histoire cent fois !
Cesse de ruminer et rentre enfin chez toi,
Arrête de boire, Mahé…

MAHĖ. – 
  …Comment veux-tu ?
Tout se révolte en moi quand je vois tant d’abus.
Peu importe l’objet des affaires jugées,
Les torts pèsent toujours sur le peuple opprimé.
Sans compter qu’il rembourse aussi le déficit 
De ceux mêmes qui le traitent de parasite.
Et tandis que les gueux, partout dans le pays,
Crient famine et souffrent de la dysenterie,
Versailles collecte de plus en plus d’impôts
Pour financer ses guerres et ses riches châteaux.
Les pauvres n’ont d’autre choix que vagabonder,
Et parce qu’ils sont pauvres, aussitôt châtiés !

AWEN. – 
Les puissants préfèrent les pendre haut et court
Que d’interroger leurs privilèges de Cour.
Honnir les petits est l’apanage des grands
Dans toutes les contrées de France, et de tout temps.
Crois-tu que ces abus, un jour, puissent changer ?
La force n’est pas du côté des opprimés…

MAHĖ. – 
La colère gronde bien plus que de coutume.
Elle se nourrit de misère et elle exhume
Notre instinct de révolte et, foi de bonnet rouge,
Il faudra que cette situation bouge !
Je n’accepte plus de subir l’oppression,
La dîme, la taille, la capitation,
Les droits de foire, de marché et d’étalage...

AWEN. – 
Le devoir de loger les troupes de passage !
L’impôt sur les boissons…

MAHĖ. – 
…et les droits de travers,
La corvée ordinaire et extraordinaire…

Léonnec entre dans l’auberge.

AWEN. – 
Tais-toi ! Des oreilles malintentionnées
Pourraient nous dénoncer à la Maréchaussée.
Léonnec semble accablé.
Du cidre pour Monsieur ?

LĖONNEC, au désespoir. – 
Ah, je n’ai plus d’argent !
J’ai été pillé par une armée de brigands,
Alors que j’allais à la foire du Faouët.
Une femme rousse se trouvait à leur tête.

MAHĖ. – 
Une femme ?

LĖONNEC. – 
…Et qui sait manier le bâton !
Elle m’a mis une sacrée correction.

AWEN. – 
Eh bien décris-la, quelle est cette créature ?

MAHĖ. – 
Un signe distinctif ?

LĖONNEC, emphatique. – 
Une immense envergure !
Aussi forte qu’un bœuf, mesurant bien six pieds,
J’ai eu beau résister, j’ai été terrassé,
Puis plaqué au sol par des hordes de sauvages.
J’avouai mon échec, malgré tout mon courage.
Ils criaient « Marion » ou bien « Marie Tromel »
Et lui obéissaient comme à leur colonel.
Mon dos en est encor meurtri…Dieu, quelle histoire !

MAHĖ, à voix basse à Awen. – 
Parbleu, serait-ce donc notre lueur d’espoir ?

AWEN, à voix basse à Mahé. – 
Quand les femmes s’arment, ciel, c’est que l’heure est grave !

MAHĖ, à voix basse à Awen. – 
Le peuple serait prêt à briser ses entraves ?

AWEN, à voix basse à Mahé. – 
J’ai déjà eu vent de cette habile brigande,
Mais de ce que je sais, elle n’est pas si grande…
Elle ne dépasse pas les cinq pieds de haut !

MAHĖ, à voix basse à Awen. – 
Je le crois capable d’embellir le tableau
Pour sortir gagnant de cette mésaventure.

AWEN, à voix basse à Mahé. – 
Qui serait davantage une déconfiture ?
J’ai entendu dire qu’aucun coup de bâton
N’a été asséné pour sa part de pardon .
Si l’on met de côté les rares numéros
Qui se sont comportés en parfaits saligauds.

MAHĖ, à voix basse à Awen. – 
Oui, mais donnons-lui le bénéfice du doute.
Laissons-le raconter jusqu’au bout sa déroute.
Tant qu’il ne se mêle pas de fiscalité,
Je veux bien excuser toutes ses lâchetés…

LĖONNEC, in petto et euphorique. – 
J’avais réalisé une opération,
En revendant, grâce à la spéculation,
Des sacs de farine à un prix exorbitant.
J’aurais pu, enfin de retour à Lorient,
M’offrir une charge de percepteur d’impôt…

MAHĖ, en aparté à Awen. – 
Retiens-moi ou je le brise en mille morceaux.

Awen retient Mahé tant bien que mal.

LĖONNEC. – 
Quitter pour de bon ma qualité roturière…

MAHĖ, entre ses dents. – 
Traitre, tu serais prêt à vendre père et mère !

LĖONNEC. – 
Lever une taxe directe ou indirecte…

MAHĖ, en aparté à l’aubergiste. – 
Tant de bassesse en un seul homme me débecte. 
Je vais l’étriper…

Mahé lève le poing, prêt à bondir sur Léonnec.

AWEN, en aparté à Mahé. – 
Vas-tu donc rester en paix ?
Si tu l’estourbis, cette fois c’est le gibet.

Awen réussit enfin à contenir Mahé qui retourne s’asseoir sur son tonneau.  Awen tend un verre à Léonnec.

AWEN, à Léonnec. – 
Laissez-moi vous offrir un verre d’hydromel
Pour oublier l’affront de la Marie Tromel.

LĖONNEC. – 
Merci, l’aubergiste, ce n’est pas de refus…
Pensez donc que j’étais « à ça » d’être promu !
Après avoir flatté la noblesse d’État,
Commis des trahisons, cumulé les coups bas,
J’aurais bien mérité un peu de privilèges !
Si cette rousse ne m’avait tendu un piège,
À l’heure qu’il est, je serais le titulaire
D’un office royal, de plus, héréditaire.

MAHĖ, à Léonnec. – 
Si je comprends bien, vous obtenez un métier,
Non par le mérite, mais par vénalité ?

LĖONNEC, à Mahé. – 
Vous insinuez là…

MAHĖ. – 
…que pour remplir les caisses,
C’est souvent aux plus sots que ces charges s’adressent.

LĖONNEC. – 
C’est moi que vous nommez sot de votre « fauteuil » ?

MAHĖ. – 
Voilà la vérité qui blesse votre orgueil.
Mais si vous échangez votre habit et le mien,
Vous le serez autant du soir jusqu’au matin.
Je suis las d’observer que dans notre pays,
Le pouvoir de l’argent évince les esprits.
Vous m’avez l’air des plus fats et je suis charmé
Que vous ayez reçu cette déculottée.
Cette femme du peuple a exaucé mes vœux !

LĖONNEC. – 
Ah, je ne sais pas ce qui me retient, monsieur !

MAHĖ. – 
Est-ce la peur des coups ?

AWEN. – 
Messieurs, je vous en prie !
Sortez au moins de là régler votre conflit.

LĖONNEC. – 
Vous vous moquez de moi, pourtant c’est vous le fat,
De penser démolir le système d’en bas.
J’ai observé les règles et les ai acceptées.
Libre à vous d’embrasser la médiocrité.
Quant à moi, il est clair que j’ai choisi mon camp !


MAHĖ. – 
Ah ! Sortons, scélérat, régler ce différend !

Mahé attrape violemment Léonnec par l’oreille et l’attire en dehors de l’auberge.

LĖONNEC. – 
Aïe ! Vous me faites mal !

AWEN. – 
Ne criez pas si fort !
Tout ce fracas pourrait me faire très grand tort.
Je viens juste d’ouvrir et suis criblé de dettes.

Ils sortent. Bruits de coups.

MAHĖ, off. – 
Prends ça ! En l’honneur de Marion du Faouët.

AWEN. – 
Pourvu qu’ils n’attirent pas l’attention…

LĖONNEC, off. – 
Hé ! 

AWEN. – 
Je ne veux pas d’ennui avecque les archers…

MAHĖ, off. –
Lâche !

LĖONNEC, off. –
Fripouille !

AWEN. – 
À tous les coups, ils vont esquinter…

LĖONNEC, off. –
À l’aide !

AWEN. – 
La vitrine que je viens d’installer !

Bruits de verre. Le corps de Léonnec s’écroule en fond de scène. Awen se prend la tête de désespoir.
Mahé revient en se frottant le poing.

MAHĖ. – 
Il a son compte enfin, désolé pour la casse…
Sais-tu où je pourrais retomber sur la trace, 
De cette femme dont il a fait le récit ?

AWEN. – 
Eh bien, Mahé, que te voilà ragaillardi !
Va voir peut-être sur la route de Gourin…

MAHĖ. – 
Merci l’aubergiste, je cours vers mon destin.
(Il tend une bourse à Awen) 
Voilà pour ton cidre !

Awen montre les bris de verre à Mahé.

AWEN. –   
Et pour cette devanture ?

MAHĖ. – 
Bientôt, je passerai honorer la facture.
Si cette rousse est si puissante qu’on le dit,
Tu pourras remettre à neuf ton hôtellerie.

AWEN. – 
Tu es prêt à risquer à nouveau la potence ?

MAHĖ. – 
Il ne s’agit pas d’un risque, mais d’une chance.
Marion du Faouët me redonne l’espoir.
Adieu !

AWEN. – 
Adieu Mahé !


[...]

Théâtre tout public  - 45 personnages

128 pages
ISBN : 978-2-490550-04-3   
Prix 10,00 €
Parution : octobre 2025